Le printemps et ses éveils : l’adolescence par la littérature
Philippe Lacadée nous propose six chapitres pour lire ce qui se joue en cette période si délicate de l’adolescence
Chapitre 1 : « Moi, pressé de trouver le lieu et la formule » – Arthur Rimbaud | Chapitre 4 : Le désarroi |
Chapitre 2 : « La sensualité mélancolique de l’adolescent » – Stefan Zweig | Chapitre 5 : L’insulte |
Chapitre 3 : La première rencontre amoureuse | Chapitre 6 : La violence |
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Formules adolescentes
Avec la série, Le printemps et ses éveils. L’adolescence par la littérature, Philippe Lacadée nous embarque et nous enseigne sur les chemins de l’adolescence. Deux horizons se dégagent de ces six rencontres : d’une part, l’adolescence qui se dit, se donne à lire dans la poésie et la littérature ; d’autre part, l’éclairage psychanalytique des mécanismes de la pulsion de mort qui se retrouve bien souvent sur le devant de la scène, « souffrances modernes [1] » qui ne manquent pas d’inquiéter, parfois de désemparer, la famille et l’institution scolaire.
Telles les provocations langagières : si elles sont les départs « de la grande poésie [2] », nous avertit Lacan, elles réduisent aussi au déchet. Quand ce n’est pas le passage à l’acte violent qui, lui, court-circuite l’articulation de la chaîne signifiante.
L’œuvre-vie de Rimbaud [3] ouvre le bal des festivités littéraires et cosmopolites, cette « formidable fenêtre ouverte sur le temps logique de l’adolescence [4] » qui s’offre à lire comme une invitation pour chacun-e à trouver sa formule entre éveil et exil, préférablement en prenant la main de la langue.
C’est elle qui est à apprivoiser, à détourner, à faire éclater en rimes, rires et coups de poings, à se faire parole ou à traiter à la lettre… le psychanalyste parie avant tout sur cette dernière. Et ce, bien qu’il ne soit pas aisé de trouver ces mots et ses mots quand l’indicible tournoie en soi. D’où le nécessaire recours à la littérature.
Comment parer à une prédication sur soi qui humilie là où bien souvent le bât blesse ? Quand des pensées envahissent, dérangent, quand la pulsion acéphale débarque sans crier gare, ce qui n’est pas sans provoquer certains désarrois pour le dire avec Robert Musil qui nous les éclaire avec son élève Törless et ses camarades.
La première rencontre amoureuse, « la sensualité mélancolique de l’adolescent [5] », la violence, l’insulte, etc., chaque thématique est mise en relief à partir d’une œuvre majeure : La langue sauvée d’Elias Canetti, Dit Violent de Mohamed Razane, Le Lys dans la vallée de Balzac, Tropique de la violence de Nathacha Appanah. Sans oublier quelques inattendus littéraires. Thomas Bernhard qui jette un éclairage autre sur la « racaille » dans La cave, ou encore, Stefan Zweig, cet Européen exilé avec sa bille noire en main, connu alors pour ses célèbres passions de femmes, qui rend hommage à la vie de café et « au fanatisme littéraire » qu’elle abrite…
Élise Clément
[1]. Ph. Lacadée citant Rimbaud.
[2]. Jacques Lacan, intervention à la Scuola freudiana, Milan, 4 février 1973, in Lacan in Italia 1953-1978, Milan, La Salamandra, 1978, p. 78-97, cité par Ph. Lacadée.
[3]. Cf. Arthur Rimbaud, Œuvre-vie, Paris, Arléa, 1991.
[4]. Propos de Ph. Lacadée.
[5]. Ph. Lacadée citant Stéphane Zweig.