Déjà, le numéro 11 de notre revue portait sur la haine comme affect faisant aujourd’hui spécialement son éternel retour. Ce Diable-ci met quant à lui la focale, non plus seulement sur cette passion triste dans ce qu’elle a d’actuel mais très précisément sur sa manifestation dans les urnes sous les espèces du vote d’ampleur pour le FN dont nous avons fait la matière de notre dossier. En voici le titre : 2022 : le FN au pouvoir.
Son sous-titre, « Chroniques de l’impensable », épingle le réel que cette éventualité emporte. Pour l’aborder, trois rubriques : une rubrique de politique-fiction qui nous donne un avant-goût de la Chose, si elle advenait. Après le retour vers le futur tenté par Michel Houellebecq l’année dernière, et Boualem Sansal cet automne, le Diable s’y colle, autrement. Le pire n’est jamais sûr, pourtant. Il ne s’agit donc pas de jouer ici les Nostradamus ou, moins glamour si possible, les Cassandre, de s’y faire, en un mot, les chantres de lendemains qui déchantent, mais de prendre au sérieux ce risque, car c’en est un, qui sonne le glas de la fin de l’histoire en Europe occidentale.
Surprise, sérieux et humour se mêlent donc par touches dans la rubrique « politique-fiction » de ce numéro, pour faire la Stimmung, la coloration affective de ses premières pages. Une rubrique « analyses » qui tâche d’attraper cette hypothèse par le concept et non plus cette fois par la seule fiction. Une rubrique « entretiens » avec trois spécialistes (l’un de l’Europe, l’autre d’économie, le dernier du logos) qui ont bien voulu se prêter au jeu du décryptage et éclairer de leur regard les enjeux de cette ascension dans ce qu’elle a d’Unheimlich.
Voilà pour le dossier de ce numéro. Mais ce Diable ne s’arrête pas là. Car d’autres phénomènes de civilisation freinent notre pensée tout autant qu’ils la provoquent : l’islamisme sans doute, mais aussi la concurrence des mémoires, les atteintes à la liberté d’expression, une exigence toujours plus accrue de transparence, les conditions de la démocratie, le rapport de l’art au réel contemporain… Pour leur faire place, Le Diable probablement est allé puiser quelques lumières auprès de Joann Sfar, Philippe Val, Raphaël Enthoven, Pierre Jourde et Thomas Ostermeier qui nous ont reçus avec générosité pour faire de ce Diable un événement à la hauteur des événements qu’il prend pour objet.