Présentation
Si l’homme est le seul animal qui ait la faculté de rire[1], la souffrance sur le plan purement biologique concerne aussi les plantes et les animaux. Seulement voilà, le vivant qui nous anime va au-delà du pur biologique. Si nous pouvons rire c’est aussi parce que nous parlons, ce qui rend ce dont nous souffrons bien plus énigmatique.
Le corps parlant c’est un mystère disait Lacan[2], c’est-à-dire que le hasard de ce qui fait notre humanité, la rencontre de notre corps avec ces mots-là, parmi ceux qui ont été énoncés autour de nous, est insondable. C’est le creuset des souffrances, mais c’est aussi celui de nos passions ou de l’élan qui pourront faire émerger la créativité, la poésie ou l’inventivité. Passionnante question don : de quoi souffrons-nous ?
L’œuvre admirable que Juliet Martinez nous a permis de présenter en première de couverture est déjà en ce sens une piste troublante et percutante. Sa superbe va au-delà du Beau, et dérange. Elle est constellée de subtilités dont chacune est susceptible d’interpréter quelque spécificité du monde qui nous entoure et la façon dont nous le vivons. Souffrir de la regarder pourrait donc être le premier pas – le sens propre et étymologique de souffrir étant supporter[3]–, souffrir la dimension de la parole pourrait être le second, pour qu’enfin s’ouvre le champ de ce dont on pâtit, l’œuvre artistique s’en faisant ici le support.
[1] Cf. Aristote, La Politique « l’homme est le seul animal qui rit ».
[2] Rabelais F., Gargantua « rire est le propre de l’homme ». Cité par Miller J.-A., « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, n°88, Navarin, Paris, octobre 2014, p. 108.
[3] Le Dictionnaire de la langue française, le Littré, Éditions Famot, Genève, 1977, disponible en ligne.
Sommaire
Éditorial : Bruno Alivon
Traumas d’époque
« L’Un-dividualisme » : Philippe La Sagna
« Le surmoi : fabrique de la souffrance au travail » : Françoise Denan
« Méprix de l’amour » : Pierre Sidon
« Déplacés ou la quatrième humiliation » : Rodolphe Adam
Fausses réponses
« Errances contemporaines » : Camille Gérard
« Parler, dire et se dire » : Catherine Lacaze-Paule
Résonances dans l’ACF
« Tout le monde délire » : Philippe De Georges
Annamèrephose : Philippe Lacadée
Qu’en disait Freud ?
« Les symptômes ont donc un sens ? » : Véronique Pannetier
Quand Lacan lit…
« Athalie ou le rôle du signifiant comme point de capiton » : Martine Versel
Près de l’art
« La Douceur dans l’abîme » à propos du film de Jérôme Schlomoff : Michel Neycensas
« D’une souffrance en question », à propos de Lol V Stein de Marguerite Duras: Lise Roullet
« Une beauté terrible » à propos de l’exposition Van Gogh au Musée d’Orsay : Françoise Kovache