Éditorial
L’art, dans ses incarnations les plus contemporaines, est à l’honneur dans ce nouveau numéro de Scripta Documents. En traitant le réel en cause, l’artiste, qu’il écrive, rappe ou dessine, se rapproche d’un trou qu’il tente de cerner sans cesse. L’énigme du féminin n’échappe pas à cet effort de serrage pour qui tente de la saisir. « La femme n’existe pas, mais, une par une, des figures de la littérature, du cinéma, et plus largement de la culture, lui donnent une image, une présence, une incarnation[1] ».
La couverture de ce numéro nous en donne un aperçu saisissant. Prenant appui sur les textes réunis ici, l’artiste a dessiné une série de corps arpentant un ruban sinueux, se repliant sur lui-même. Ces méandres illustrent cette jouissance singulièrement féminine, « enveloppée dans sa propre contiguïté [2]». On s’y faufile, parfois en équilibre, sur le bord d’un abîme vertigineux. La chaise inoccupée rend compte d’une place de vide, lieu vibrant de la jouissance dite féminine qu’aucun signifiant ne parvient à désigner.
Avec le titre Femmes de lettre, il s’agit d’attraper l’équivoque qui indexe le battement d’une position féminine entre l’être et la lettre.
Le premier découpage de ce bulletin, « Femmes de l’être », réunit des textes qui dessinent et dénoncent les semblants qui viseraient à donner consistance à un Autre absolu.
Si l’être véhicule la lettre, nous suivrons, dans la deuxième partie, les « Femmes à la lettre » dans l’épure de leurs écritures singulières sur ce qui à l’horizon est « introuvable au niveau du signifiant [3]». Le réel qui se dénude ouvre à un usage, usage de la lettre.
En extime, le renvoi à ce qui fait trou dans le savoir, impact traumatique du non-rapport sexuel sur les sujets.
Ce nouveau numéro fait donc place aux trajets pluriels des êtres parlants couleur de femme. De texte en texte, le lecteur est invité à arpenter ce qui s’écrit, s’entend et se dit en région, dans les différentes activités où se déplient une question, un savoir attrapé à la lumière de l’enseignement de Lacan. Les membres de l’Ecole de la Cause Freudienne et de l’ACF en CAPA, dont les textes sont présentés ici, ne reculent pas devant l’enjeu essentiel de porter une parole sur l’originalité de la position féminine, indispensable à entendre de nos jours.
Claire Debuire
[1] Miller J.-A., « Au singulier : les femmes, un ensemble sans uniforme », citation publiée le 14 mai 2023 sur le Blog de l’AMP.
[2] Lacan J., « Propos directifs pour un congrès sur la sexualité féminine » (1960), Écrits, Paris, Seuil, coll. Champ freudien, 1966,
p. 735.
[3] Miller J.-A., « El piropo », Ornicar ?, n°22-23, 1981, p. 164.
Sommaire
Éditorial, Claire Debuire
Femmes de l’être
Pierre Delengaigne : Le réel n’existe pas (?)
Agathe Sultan : Casey, mélange des genres
Guillaume Darchy : Se faire peau d’homme
Femmes à la lettre
Omaïra Meseguer : Dit-femme, diffâme
Sophie Charles : Annie Ernaux, femme au-delà des normes
Marion Evin : Kae tempest : se supporter à la lettre
Extime
Bénédicte Jullien : Un traumatisme peut en cacher un autre