Macha Makeïeff a créé début 2018 une Installation minuscule et l’a aussitôt placée dans le hall du théâtre de La Criée qu’elle dirige. A s’approcher, on découvre, coincée entre deux piliers, une lourde et vieille cabine téléphonique des années 1930 transformée en reliquaire. Pourquoi y montrer, enchâssée dans une valise, une figurine de Macha petite fille qui regarde ? En quoi la comédie fantastique de Mikhaïl Boulgakov, La Fuite, y est-elle impliquée ? Quel spectacle immobile se joue ? Menons l’enquête en suivant ce fil de l’artiste : « J’avais besoin de cagibi, d’appentis, d’alcôve où emmurer un secret. »
Le nouveau Sherlock devra savoir que l’artiste, avec son secret, toujours précède le psychanalyste puisqu’il livre l’accès à « la place de ce qui ne saurait se voir » (Jacques Lacan).
Un contre-désastre au tragique, par Benoît Kasolter
L’Installation minuscule conçue par Macha Makeïeff et présentée dans le hall du Théâtre national de la Criée à Marseille n’est pas passée inaperçue. Pour s’en convaincre ? L’incisif et stimulant commentaire qu’en propose Hervé Castanet, psychanalyste, possède cette qualité rare d’offrir à son lecteur l’opportunité d’une visite « virtuelle » et guidée sur le mode de l’enquête « policière ». Quel secret bien caché se loge au cœur d’une Installation « qui ne paye pas de mine ni ne prétend s’offrir à tous » ? Revêtant pour la circonstance l’imperméable de l’inspecteur Columbo, la réponse de l’auteur à l’énigme qu’il s’agira ensuite de démontrer est livrée d’emblée…
Une cabine immobile et silencieuse offrant un droit d’asile à des objets « mis au rebus » et sauvés du naufrage dévoile, pour le spectateur perspicace, le théâtre privé de l’artiste qui ouvre à une authentique poétique du désastre.Trois chiffres, trois dates viennent dès lors scander les actes d’une tragédie intime et singulière qu’il s’agit bien de déchiffrer : 2018-1960-1920. « Ce théâtre est celui de la metteure en scène elle-même liant l’adulte qu’elle est à la petite fille qu’elle fut et à laquelle ses fictions et mises en scène font souvent retour ».
Tragique donc l’Installation minuscule ? Oui tranche puis conclut l’auteur. C’est le courage de l’artiste, Macha Makeïeff, de consentir jour après jour au face-à-face avec le sentiment de la perte, malédiction héritée de l’enfance ; c’est sa force et sa fantaisie surtout d’inventer, à travers son œuvre, des contre-désastres vivifiant à l’inévitable de la mort.