Présentation :
« I can’t, I won’t let it happen again » pourrait être la complainte de l’espionne bipolaire d’Homeland (la série télévisée américaine, 2011-2020), la seule à voir un ennemi là où tous voient un héros de la nation. Car, Homeland, c’est le 11 septembre 2001, son choc, son trauma, ses effets et son traitement : trouble des frontières, surveillance généralisée, « guerre contre la terreur », ennemi intérieur – auquel le 46e président des États-Unis, Joe Biden, fit référence dans son discours d’investiture. Car plus de 20 ans après, on y est encore. C’est la thèse de la série de bout en bout.
Homeland, c’est aussi, bien sûr, son personnage d’espionne bipolaire, Carrie Mathison : une femme folle et raisonnée, ingérable et fiable, brillante et calamiteuse. Une femme à laquelle toujours on répète de se calmer, de ralentir, que c’est fini – en vain. Une fauteuse de troubles qui échappe à toute catégorisation.
Ce personnage de l’espionne bipolaire fut très vite propulsé au rang de phénomène de la culture pop, et n’en finit pas de revenir hanter les séries, sous la forme d’avatars ou de troublantes réminiscences. Très certainement parce que la folie féminine n’est pas juste ici un tic, un trait ; encore moins un cliché. Elle n’est pas non plus une simple métaphore de la folie des États-Unis de l’après-11 septembre. La folie du personnage se noue à l’illimité de notre époque et à la forme-série.
Homeland, un symptôme de notre temps ? Plus que cela. Elle en est une interprétation jusqu’à en devenir le tableau du monde.
Corouge Sandrine (auteur)
Wajcman German (préface)