Longtemps considérée comme une pièce mysogine, l’avant-dernière comédie de Molière, Trissotin ou Les Femmes savantes, interroge la fragilité et la désorientation des hommes face à un désir féminin illimité. Mais aussi la fragilité et la désorientation des femmes, que l’ivresse du savoir et du pouvoir peut couper de l’amour et du sens commun.
Cet aveuglement mutuel qui renvoie à la terreur de l’illimité féminin, est rendu sensible et vibrant par cette mise en scène de la langue et du texte de Molière, qu’Hervé Castanet analyse pour nous.
Macha Makeïeff, en 2015, crée Trissotin ou Les Femmes savantes, dont elle réalise également le décor et les costumes. Depuis, la pièce tourne régulièrement, rencontrant succès public et critique.
Pourquoi y revenir ? Parce que le travail de Macha Makeïeff, radical et inventif, fait surgir un autre Molière. Il donne un coup de pied dans le carcan qui fige, depuis longtemps, cette comédie de génie.
Une phrase de l’artiste fait boussole : « Plus que la misogynie, c’est cette terreur que provoque chez les hommes l’illimité du désir féminin qui m’a in-triguée et, plus encore, le désarroi masculin qui en découle. » Au passage, Lacan sera sollicité – lui qui déclarait : « toutes les femmes sont folles, qu’on dit. C’est même pourquoi elles ne sont pas toutes, c’est-à-dire pas folles-du-tout ».
Scène première, acte v, Henriette (Vanessa Fonte) et Trissotin (Geoffroy Rondeau).
Photo : Loll Willems
Photo : Loll Willems
« Le désir est énigme parce qu’il est illimité et il concerne aussi bien les femmes que les hommes. Ce pas franchi par Macha Makeïeff est décisif. Il éloigne de la psychologie des personnages et désigne la limite de toute analyse biopolitique, quelle que soit sa valeur. S’il y a un autre Molière que celui que l’on nous sert depuis si longtemps, il se découvre par une attention à la lettre, point décisif, qu’une mise en scène de théâtre révèle. […] La lettre oui, mais en tant qu’incarnée – voix, corps, actions noués. »
Extrait de La Maison hallucinée, d’Hervé Castanet
Extrait de La Maison hallucinée, d’Hervé Castanet