La visée des théories du genre et des idéologies queer est à la fois théorique et éthique : rendre un plus grand nombre de vies vivables. A l’heure du triomphe des thérapies cognitivo-comportementalistes et des transformations profondes de la famille, les psychanalystes peuvent-ils se servir de ces avancées pour réinventer une psychanalyse après l’Odipe ? Poser cette question, c’est se demander en quoi et pourquoi le travail de Judith Butler, de Teresa De Lauretis, de Gayle Rubin, de Paul B.
Preciado et d’une multitude d’autres théoriciens, dé-fait la psychanalyse. C’est s’offrir des pistes concrètes pour revenir sur des formules et des évidences cliniques parfois trop vite tenues pour acquises. C’est resituer la praxis analytique à la croisée de la théorie, de la clinique et du politique. En retour, c’est mettre les concepts des queer face à la tâche impossible qui anime l’analyste, les confronter au réel singulier qui prévaut dans chaque cure.
Il ne s’agit donc pas de transformer la pratique en philosophie ou de faire des dé-constructions du genre une clinique, mais de démontrer l’utilité de l’une et l’acuité de l’autre.
Fabrice Bourlez est psychanalyste. Docteur en philosophie, il est enseignant à l’Ecole supérieure d’art et de design de Reims. Il est aussi chargé de cours à Sciences Po Paris. Il est l’auteur de Pulsions pasoliniennes (2015).